La fin du monde…

Pompier
Photo @ Jimmy Voyer

Cette journée s’annonçait moins chaude que les précédentes, à ma grande joie. Les autres groupes s’étaient séparés; l’un à l’hôtel et l’autre chez des amis. Nous devions nous rencontrer en après-midi pour se rendre au prochain spectacle qui était à Orangeville.

Étant donné le temps que nous avions devant nous, nous avions décidé de jouer les touristes et de visiter Niagara Falls. Nous avons stationné la van dans un parking payant près des chutes. Puis, nous avons vu la chose la plus extra de tout Niagara falls, une méga arcade. Nous y avons dépensé une partie du budget de tournée à jouer aux jeux. Ensuite, nous nous sommes dirigés vers l’attraction principale de la ville. La chute était décevante. C’était juste un large précipice où beaucoup d’eau tombait. Je pris quelques minutes pour appeler mon père à frais viré, pour lui dire que la tournée allait bien. Il semblait ému du fait que je pense à lui. Il était étonné que la Tortue roule encore et il croyait que j’allais lui annoncer qu’elle avait rendue l’âme.

De retour à la fourgonnette, un petit papier virevoltait sur le pare-brise. C’était bel et bien un ticket de parking. Un beau souvenir que je mis immédiatement dans la poubelle en me disant que si je ne le voyais plus, il n’existerait plus. De retour sur la route, nous sommes allés rejoindre les autres groupes pour notre prochaine destination. La tournée continuait sur les routes de l’Ontario.

La route défilait paisiblement sous les roues de la Tortue. Plus nous avancions, plus une ambiance de malaise se faisait sentir. C’était difficile de dire pourquoi, mais quelque chose allait de travers dans le monde. C’est à la sortie de l’autoroute que cette impression se concrétisa. Il y avait des policiers et des pompiers partout pour faire la circulation. Cela ressemblait à une banale panne de courant mais sur le visage des personnes dans le rue, nous pouvions percevoir un vent de panique. Arrivés au bar, nous entendions une génératrice qui hurlait sur le toît. À la télévision, nous pouvions voir que le câble ne fonctionnait plus et que tout le monde parlait de manière passionnée, comme si, unanimement, il y avait un vrai sujet de conversation. Je testai le téléphone pour parler à ma famille, espérant qu’ils auraient des informations à me donner concernant ce qui se passait. Heureusement, le téléphone fonctionnait et c’est mon père qui répondit :

– Ils parlent juste de ça à la télévision : Tout l’Ontario est en panne de courant.
– Bon, on est en plein dedans ça veut dire !
– Ouep, y disent que c’est peut être un attaque terroriste !

Je venais de comprendre l’impression de Fin du monde que les gens dégagaient. Alors, nous avions finalement décidé que tant qu’à mourir ici, nous allions le faire le ventre plein . Un restaurant non loin de là faisait des sous marin à la chandelle et pour l’occasion, tout coûtait 5$ (sûrement pour ne pas être obligé de tout calculer ). Le spectacle eut lieu quand même mais personne n’avait le coeur à nous regarder. Ce fut un spectacle où nous nous sentions de trop. Dès la fin de notre liste de chansons, nous avons emballé nos instruments pour partir de cet endroit peu accueillant. Nous sommes partis sans écouter les groupes locaux qui daignaient nous parler.

Nous avions eu comme information qu’il y avait de l’électricité à Cornwall, qui était notre prochaine destination. Nous avions besoin de mettre de l’essence dans la Tortue pour continuer notre route. Donc, nous nous sommes rendus à une station de service. Un accueil chaleureux et convivial nous y attendait. Je sortis de la Tortue pour prendre le pistolet à essence et c’est à ce moment que je le vis. Tapi dans le noir, un homme nous tenait en joug avec un fusil à pompe. Il nous indiquait du fait même que nous n’étions pas les bienvenus. Tout ce que j’ai eu le temps de réaliser, c’est que le volant de la van était entre mes mains et que j’étais déjà sorti de la cour. Sur le bord du chemin, non loin de là, nous nous sommes tous arrêtés pour faire le point.

Les autres groupes avaient assez d’essence pour faire le reste de la route, sauf la Tortue, qui annonçait en lettre rouge, qu’elle était pratiquement à sec. Dans une bonté et un sens de l’altruisme sans borne, le groupe qui organisait la tournée décida de nous quitter sur le champ. Comme explication, nous avons eu : « Moi, je ne veux pas mourir en Ontario et si c’est la fin du monde, je veux être à la maison». Ce qui confirma tous les doutes, c’étaient vraiment des cons de première. Nous nous sommes donc retrouvés seuls avec le groupe de ska et nous leurs avons demandés si eux aussi voulaient aller mourir dans leur ville. Avec un grand sourire, ils nous ont dit: (traduction) « On va rester jusqu’au bout avec vous et on va vous aider à trouver de l’essence ». Ce qui nous rassura puisque nous ne connaissions pas les lieux et qu’il fallait trouver rapidement une station d’essence qui pouvait nous approvisionner avant de tomber en panne…

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